Au sujet du service national universel (SNU)

À l’heure où le projet gouvernemental d’extension du SNU est critiqué par divers rapports et rejeté par les mouvements de jeunesse, la Ligue de l’enseignement défend avec de nombreux autres réseaux nationaux un projet alternatif au SNU. Dans un contexte d’extrême tension sociale et économique, d’inquiétude écologique et de fatigue démocratique, l’enjeu majeur est de faire émerger une politique jeunesse ambitieuse, à la mesure des attentes d’émancipation et d’engagements des nouvelles générations.

 

Depuis plusieurs années, les politiques jeunesse semblent fondées sur l’idée que les jeunes seraient un problème, une génération désengagée à mettre en études ou au travail. Or, la réalité est toute autre. Les jeunesses d’aujourd’hui sont engagées, mobilisées à leur façon face aux grands enjeux de société et animées par des valeurs de solidarité et d’entraide. Souvent anxieux, face au monde qu’ils découvrent, ils ont besoin de confiance et d’accompagnement dès le plus jeune âge, pour construire leur société de demain.

Pour la Ligue de l’enseignement, la citoyenneté s’expérimente aux différentes étapes de la vie de l’enfant et dans tous les lieux collectifs où ils se forment et s’éduquent, à l’école comme dans les centres de loisirs, les clubs de sport ou les structures culturelles et artistiques.

 

La citoyenneté et la démocratie scolaires, des espaces d’initiation à l’engagement

En milieu scolaire, l’Enseignement moral et civique (EMC) doit se transformer en une véritable éducation citoyenne au cours de laquelle l’élève acquiert, en plus de connaissances sur les institutions, des compétences sociales d’écoute, de respect des autres, d’élaboration de son propre point de vue argumenté, complexe et complet. La formation des enseignants et la sensibilisation des parents à l’EMC doivent être renforcées en ce sens.

La démocratie scolaire (délégués de classe, conseils de vie lycéenne, éco-délégués, représentants au conseil d’administration) doit aussi évoluer vers une participation active, y compris pour favoriser l’engagement collectif, par exemple au sein d’organisations de jeunesse qui seront ainsi pleinement intégrées comme des acteurs de la communauté éducative. À l’heure où la loi exige de la part des associations reconnues d’utilité publique de faire toute leur place à des membres de moins de 16 ans, comment comprendre que les syndicats de collégiens ou de lycéens ne soient toujours pas reconnus comme tels ?

Enfin, il faut développer la possibilité de s’impliquer très tôt dans des projets citoyens à l’instar de ce que favorisent les juniors associations, les formations BAFA ou encore dans le cadre de séjours scolaires éducatifs.

 

Les classes de découvertes et les colos, une expérience de vie collective à promouvoir

Les colonies de vacances et les voyages scolaires sont autant de moments privilégiés pour les jeunes, où ils peuvent découvrir de nouveau contextes, partager avec leurs pairs des temps de vie collective riches et variés qu’ils soient du domaine du quotidien ou de la découverte.

À l’heure où un tiers des 5-19 ans ne part jamais en vacances, la Ligue de l’enseignement prône une véritable relance des politiques de départs en colonies et en classe de découverte pour toutes les jeunesses. Des programmes de soutien financier et d’accompagnement peuvent être mis en place, particulièrement pour les enfants issus des familles confrontées à la très grande pauvreté, pour généraliser ces moments de partage et d’apprentissage, la création d’un « pass colo » pour chaque collégien, étudiée et expérimentée.

Comme cela s’est fait par le passé, l’Éducation Nationale, les collectivités territoriales, avec l’appui des grandes fédérations d’éducation populaire, et, avec elles, l’ensemble de la nation, doivent soutenir cet effort de généralisation, fondamental pour toute une génération.

 

À l’entrée dans l’âge adulte, des dispositifs d’engagement citoyens à conforter

Que ce soit dans des associations mais aussi au sein de collectifs plus éphémères, et en tout cas moins formels, de nombreux jeunes se mobilisent : ils peuvent choisir de s’engager au moyen d’un Service civique[i], d’un volontariat international en entreprise, d’un volontariat associatif, au sein de chantiers de jeunes bénévoles ou encore en Corps Européens de Solidarité. Là encore, il faut soutenir le développement de ces parcours, en les faisant mieux connaître auprès des jeunes et en les valorisant lors de l’accès aux études supérieures (Parcoursup) ou lors de l’entrée dans le marché du travail.

Alors, pourquoi ne pas intégrer les séjours de cohésion dans ce qui deviendrait, non un dispositif supplémentaire, mais un « Parcours citoyen » à l’initiative des jeunesses et à la mesure de leurs attentes ? Pensés comme un temps d’engagement, les séjours de cohésion pourraient être proposés sur temps scolaire, lors de la classe de seconde. Ils constitueraient une sorte de stage d’appropriation concrète de l’EMC, dédiés à des projets construits par les jeunes eux-mêmes avec, pour objectif, de déployer une citoyenneté en actes. Ils seraient ainsi pensés comme un moment intermédiaire entre les premières pratiques d’engagement en milieu scolaire et l’engagement bénévole de plus long terme. Ils seraient expérimentés, en partenariat avec des collectivités volontaires et accompagnés par les associations plus particulièrement, les mouvements d’éducation populaire.

Pour la Ligue de l’enseignement, l’engagement ne peut se décréter ni a fortiori s’imposer. Il se construit progressivement, est favorisé par des propositions et opportunités collectives, fait sens parce que déterminé concrètement par les jeunes eux-mêmes.

Avec une éducation à la citoyenneté plus ouverte, un accès facilité aux colonies de vacances et aux classes de découverte, des temps de mise en œuvre pratique en période scolaire et un vaste développement du Service Civique et d’autres dispositifs d’engagement, se dessinera une réelle politique de développement au service de la citoyenneté et de l’émancipation des jeunesses. À la main et à la mesure d’une nouvelle génération appelée à transformer notre vieux monde.

1.      Le Service Civique procède d’un engagement dans une mission d’intérêt général, en France ou à l’étranger, pour une durée de 6 à 12 mois. Plus de 200 000 jeunes ont ainsi effectué une mission depuis sa création en 2010.

article posté le : 19/04/2023