Les jeunes valent mieux qu’un SNU

Tribune collective

Alors que des séjours de cohésion se déroulent cette semaine, plusieurs organisations – dont la Ligue de l’enseignement – regroupées dans un collectif d’associations de jeunesse, d’éducation populaire, de défense des droits et de syndicats réitèrent leur opposition au service national universel, déployé par le gouvernement. Lire notre tribune collective dans L’Humanité.

 

Beaucoup d’entre nous traversons un moment de dégradation des conditions d’existence. Il se caractérise pour les jeunes par une très grande dureté : sortie difficile de la période de pandémie qui a généré une augmentation des troubles de tous ordres, école plus que jamais creuset des inégalités, accès difficile à des emplois de qualité, précarité de plus en plus grande des jeunes étudiants, multiplication des réponses policières aux jeunes qui osent exercer leurs droits de citoyens.

Face à cette montée des angoisses, le SNU est la seule réponse que le président de la République ait trouvée. Alors que la période COVID a montré paradoxalement des jeunesses attentives aux plus fragiles et s’engageant dans un soutien de proximité aux familles, le SNU prétend rendre obligatoire l’engagement. A cette réponse autoritaire et descendante qu’il représente, nous opposons le nécessaire soutien aux associations de jeunesse et l’impératif de prendre soin des jeunesses, par des politiques jeunesses ambitieuses et émancipatrices.

Ce que montrent les expérimentations confirme ce que le rapport initial du général Menanouine formulait, à savoir une version édulcorée de feu le Service Militaire. On y a vu la reprise de codes connus : uniforme, lever du drapeau, principe d’obéissance. Malgré un recours à des encadrements associant des enseignants et quelques acteurs de l’éducation populaire, la dimension autoritaire reste dominante, donnant l’image d’une jeunesse mise au garde à vous. Ce qui s’est trouvé confirmé par des incidents regrettables rapportés par la Presse. Difficile de penser que cette volonté de « cohésion » participe de la construction de la citoyenneté dans la diversité.

Nous sommes un collectif d’associations de jeunesse, d’éducation populaire, de défense des droits et de syndicats. Nous nous inscrivons dans une culture d’émancipation et promouvant l’engagement volontaire depuis de longues années. Nous devons noter que nos associations n’ont nullement été sollicitées dans la recherche d’une expertise, certaines même pas consultées. Par exemple, notre demande de rendez-vous du 18 janvier 2023 à la Présidence de la République n’a reçu aucune réponse. Nous ne pouvons donc que conclure à un travestissement des notions d’engagement et d’émancipation.

Un rapport récent du Sénat confirme nos craintes concernant les expérimentations ou la faisabilité du projet de généralisation et même notre refus du paradoxal engagement obligatoire. Ce rapport invite à surseoir au projet de généralisation du séjour de cohésion. Nous nous questionnons particulièrement sur les éléments suivants :

– Des financements démesurés alloués au SNU alors que l’heure est à la réduction continue de ceux dévolus à la politique jeunesse, aux moyens nécessaires au monde de l’animation aujourd’hui et au fonctionnement des organisations de jeunesse et d’éducation populaire.

– Des facilités accordées à celles et ceux qui entreraient dans le dispositif : avantages sur Parcoursup, permis de conduire pris en charge, financement du BAFA. Ceci marquerait une rupture d’égalité entre les jeunes. Et pour nous, l’engagement ne doit reposer ni sur la méritocratie ni sur des contreparties

– L’âge : le SNU s’adresse aux jeunes de 15 à 17 ans. Quel message porte ce projet en réduisant l’engagement à une obligation ? Quelle empreinte laissera- t -il dans l’esprit de mineurs ? Le SNU pourrait de plus être un élément supplémentaire dans la pression qui pèse déjà sur les lycéens avec la réforme du lycée. – En l’état le SNU laisse en suspens nombres de questions juridiques (autorisation des parents pour les séjours de cohésion, remise en cause du code de l’éducation). On remarquera que le rapport évoqué du Sénat pointe ces questions.

Nous pensons que les jeunesses ne doivent plus constituer un terrain d’expérimentation pour résoudre les problèmes d’une nation supposée en danger. Notre ambition est la mise en œuvre d’un programme qui donne du temps et des moyens aux jeunesses, pour que cet âge de la vie soit synonyme d’une réelle émancipation. Laisser les jeunesses expérimenter, laisser la place aux initiatives qui peuvent parfois déranger : c’est cela qui crée des actions transformatrices pour les personnes et la société.

 

Signataires : MRJC Jeunes Ruraux, Ligue de l’enseignement, Ligue des droits de l’homme, Forum français de la jeunesse, Centres sociaux, UNEF, UNSA-Education, FAGE, Animafac, Concordia.

 

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article posté le : 18/07/2023